
Holà lejos companeros del viaje. Il est temps pour moi de rattraper le récits des multiples aventures arrivées depuis mon départ de Martinique avec la flottille des jeunes gitans des mers qui m’ont accueillie comme l’une de leur sœur… Je commence à écrire ces lignes le 18 février en République Dominicaine, à Cabarete précisément, dans le nord, installée à la terrasse de notre maison temporaire avec vue sur notre petit jardin. Les feuilles des bananiers qui le parsèment sont traversées de soleil, qui subliment leurs verts les plus intenses. Au fond du jardin, une cabane à pigeons qui nous contemplent, Jordi et moi, tous deux concentrés sur ce que l’on est en train d’écrire. On est samedi, les airs de bachata incessants dans ce pays se mêlent au reggaeton qui doit rugir des baffles des maisons voisines. Tout le chaos de petit univers musical si fréquent en Rep dom, est ponctué par les aboiements de chiens lointains, les hurlements des coqs et le grondement des motos qui passent dans la rue de notre petit chez-nous, située dans un quartier local de Cabarete, Callejon de la Loma.
Mais ça, c’est une histoire qui sera racontée plus tard. Commençons par reprendre où je vous avais laissé.es, au début d’une nouvelle aventure parmi des gipsy des mers qui font de leurs rêves d’horizons neufs, de rencontres et de navigations vers de nouvelles terres et mers, une réalité. Ce petit groupe de mecs que la vie berce d’aventures nautiques du haut de leurs trente ans, dans lequel ma présence m’a presque toujours paru une évidence. Leur objectif commun ? Rejoindre le Panama pour ensuite traverser ensemble l’infini et mystérieux Pacifique en 2024.

Martinique, 8 janvier. C’est le départ de Goelhan et de la Joia del Mar. Direction Saint Pierre, dans le nord de l’île, où nous ferons un stop avant d’écumer des mers nouvelles vers la Guadeloupe. Je passe mes premiers instants avec Martin sur Goelhan, tandis que la Joia est peuplée de Jean et Jordi (cf le précédent article), de Anna la + ou – copine de Jordi, Louisa celle de Jean, et de la sœur et la mère de Jean, bref tout un petit monde qui se suivra jusqu’en Gwada. Martin a l’air d’être un gars super, mais avec lequel j’ai encore pas réussi à casser la vitre de l’inconnu. Mais bon faut qu’on s’apprivoise, d’autant plus que voir une quasi inconnue débarquer sur son bateau pour quelques temps ne doit pas être chose évidente. J’admire, d’ailleurs, la capacité de Martin à m’accueillir dans son chez lui en promiscuité alors qu’il ne connait presque rien de moi. Le feeling de la première rencontre jette presque toujours les dés, dans la loterie de mon voyage…

Après une courte nav jusque Saint Pierre, on mouille pour une petite escale ; il me tarde de rejoindre tout le groupe et de continuer de faire connaissance. Même si je suis la seule « intruse », j’installe petit à petit ma place sans avoir trop de mal à la prendre. J’apprécie beaucoup la mère de Jean, sa présence maternelle est un petit rafraichissement dans cette dynamique de groupe. Quoique je suis déjà bien rafraichie, côtoyer des jeunes me fait trop de bien et surtout des jeunes de cette trempe. On profite de cette escale pour bouger à l’anse Couleuvre, où reliefs, feuilles et arbres immenses se confondent dans l’humidité et contrastes lumineux pour nous amener jusqu’à une cascade majestueuse.






Le lendemain, on lève l’ancre. Adieu la Martinique, direction Marie Galante, une île de Guadeloupe dont je ne connais rien.
« 10 janvier 2023 – Au large entre la Dominique et la Guadeloupe
Lune petite et verdâtre à tribord, plein est. Cap au 353° pour marie galante. Goelhan chevauche difficilement les flots. Depuis qu’on est partis de Martinique, après un beau début du canal de la Dominique sous un vent de 25 noeuds qui nous faisait surfer à 8 noeuds, le vent a vraiment faibli et la houle est devenue bien bordélique. On a de la mer mais sans vent, la poisse. Mais bon, au moins, Martin peut roupiller à côté de moi.
On a essayé toutes les positions et les combinaisons possibles entre la GV et le génois, tandis qu’un curieux vent du sud oscillait entre bâbord et tribord amures. Assez relou, mais quand la galère crée une complicité avec Martin, ça devient marrant. On est encore à une quinzaine de miles. Interminable cette nav, mais la nuit la tempère et rétablit l’équilibre. »

Et en effet, cette navigation était la plus laborieuse que j’eus faite. Et petit à petit, je découvrirais mon coéquipier couteau suisse avec qui je commencerais à développer un beau lien.
« Martin est vraiment un personnage attachant, j’écris une semaine après notre départ. Peu d’atomes crochus au premier abord, je découvre un mec pour qui je commence à avoir de l’affection, un peu à la manière d’un frère. Il se bouge le cul dans la vie et pour faire ce qui l’anime. Il connaît plein de choses sur plein de choses, pêche, chasse en apnée, plonge, surfe, cuisine, bricole, range, fume. Je commence à me sentir vraiment bien dans son bateau, dans notre petit duo. »



Ma’ est un peu notre guide des Caraïbes, qu’il arpente depuis qu’il a acheté son bateau il y a trois ans. Les îles n’ont pas de secret pour lui, il saura toujours quel mouillage est le meilleur. J’apprécie énormément les nav avec lui d’un point de vue technique : comme on est que deux et qu’il est super chill, on fait tout ensemble et je prends beaucoup de responsabilités sur le bateau. Je sens que je progresse et que la mise en perspective permise par toutes les approches diverses de tous les bateaux sur lesquels j’ai vogué, m’aiguille dans mon chemin de voile. Et j’adore Goelhan, petit monocoque de 10,5m tout bien foutu qui ride les mers à une vitesse franchement propre pour la carrure du bateau.
Marie Galante, la vie est musique [11-13 janvier]
Hop-là, nous voilà à Marie Galante où on reste quelques jours. Aussi plats que la mer, les reliefs de cette île appartenant à la Guadeloupe changent des décors caribéens que je parcours depuis désormais un mois.
Là, je commence à rentrer dans une petite bulle. Je délaisse mes tongs pour chausser la corne de mes pieds qui s’affermira au fil du temps. Jean se balade de partout avec l’une de ses guitares, on chante, on danse, on rencontre. La vie est facile et fluide, et je me laisse porter par cette énergie nouvelle de mon voyage, cette énergie dans laquelle je me fonds en apportant un peu de la mienne dans cette dynamique collective. Un jour, Laura, la mère de Jean, me partage sa surprise quant à la vitesse de mon intégration au groupe. Il faut dire que c’était pas très difficile : depuis le début, Jean a toujours pris soin de ça, j’ai ma place avec Martin et tout le monde est super cool. De leur côté, Charlotte (la sœur de Jean) mais surtout Laura me surprennent par leur flexibilité. Elles ont un avion retour depuis la Martinique mais se laissent faire dans les changements de plans perpétuels en naviguant sur la Joia et dormant sur terre. Laura m’épate, du haut de ses quelques soixante ans ! J’imagine ma maman à sa place et… non, j’imagine pas en fait. Elle vomirait avant même de mettre le premier pied sur le bateau. ( ;-* mam)
Lorsqu’on met les pieds sur terre, on rencontre Jah My. Ahh, Jah My… Un habitant de l’île qui se présente d’office comme le Bob Marley de Marie Galante. Il nous montre un clip d’une de ses chansons qui a quand même 18000 vues sur youtube ! Cette chanson deviendra notre hymne de Guadeloupe, ne quittant jamais notre tête et nous rendant à terme un peu fous/folles. Chaque fois que j’arrivais à m’en débarrasser, quelqu’un la rechantonnait, on était désespérées de ne plus pouvoir vivre sans. Marie Galante, c’est une île, qui comprends, trois communes… Allez laissez vous tenter, allez voir Jah My et son flow ici. Bref, l’énergumène nous invite chez lui le soir pour faire une jam ensemble. On y va, on passe un super moment dans son jardin de plantes médicinales qui entoure sa superbe maison en bois. Pendant plusieurs heures, on chante, on joue en tournant les instruments, Jean est surprenant par la diversité de son répertoire et ses impros techniquement hyper bien menées ! Moi, je m’y remets un peu, jouer en groupe me redonne envie de faire de la musique que j’ai trop délaissée depuis plusieurs années…





Le lendemain, Laura et Charlotte recroisent Jah My qui leur propose de venir diner le soir chez lui. J’étais pas très motivée au début, le boug est sympa mais les différences culturelles m’empêchent de vouloir approfondir la relation. Mais Jean et sa famille acceptent tout naturellement. Anna, Martin et Jordi vont attraper des langoustes tandis que je bosse sur mon article de blog précédent (argh tout est décalé) pour ensuite me balader solo sur l’île avec Barbas, le chien de Jordi et moussaillon en chef de la Joia del Mar, qui suit le Catalan partout depuis son adoption aux Açores.
Bref, on va chez Jah My qui est assez enthousiaste à l’idée de faire des langoustes au feu. Martin cuisine les divins crustacés, mais notre hôte commence à angoisser un peu du manque de contrôle de sa cuisine et change d’attitude au fil de la préparation. Et là, c’est le drame, il ne veut pas venir manger, nous dit qu’il n’aime pas les langoustes et qu’on n’est pas respectueux.ses de lui et de sa maison, commence un speech de rasta un peu incompréhensible etc… Charlotte essaie de l’apprivoiser un peu – j’ai compris pourquoi elle bossait dans le social. Bref, un petit épisode un peu confus qui s’est quand même bien terminé mais qui montre les différences de manières de voir les choses et de pensées selon la culture et les habitudes… ou peut-être que Jah My avait un petit grain.
Cet épisode m’amène à réfléchir sur mon rapport aux locaux que je rencontre dans les endroits traversés. J’ai vraiment apprécié d’être poussée à retourner chez Jah My, puisqu’ainsi, notre rencontre n’a pas été limitée à une entrevue éphémère qui relèverait plus du profit personnel d’étancher sa curiosité culturelle, mais elle est allée plus loin par l’intérêt porté à l’énergumène. Si ça en était tenu qu’à moi, j’aurais gardé une espèce de distance qui m’aurait empêchée de retourner chez lui, ce qui est en fait assez dommage et moins vrai. Bref, voilà qui me donne à penser et à apprécier la démarche de Laura et Charlotte.
Merci Marie Galante. On se souviendra de ton Jah My et de la première escale en Guadeloupe du duo Joia / Goelhan.
Bateaux en détresse : premier sauvetage
Deux jours plus tard, on prépare les bateaux à lever l’ancre pour aller aux Saintes, îles voisines. Martin, l’œil affuté, observe un bateau isolé du mouillage, qui parait bien loin. Bizarre. Une demi-heure après, plus de doute possible : le petit voilier dérape. On appelle la Joia. « Jordi est parti avec un mec pour récupérer son bateau », nous explique confusément Charlotte. Bien reçu, il est là-bas. D’un regard, on sait ce qu’on a à faire, avec Martin. « On y va ? On y va ». On lève l’ancre, on approche du bateau, Jordi se débat avec les voiles pour les monter tandis que le propriétaire a l’air de se prélasser dans le cockpit. On se rapproche, Martin saute à l’eau pour aller l’aider, tandis que je reste seule sur Goelhan – au moteur – à faire des tours autour pour choper des images de cet épisode improbable mais finalement pas si nouveau pour moi, c’est le deuxième sauvetage de bateau auquel j’assiste ! (cf mon article sur la transat, où on avait été déroutés pour checker un voilier en panpan en partant des Canaries). Je les laisse se débrouiller très bien, je rentre au mouillage de Marie Galante où Jean viendra m’aider à mettre l’ancre – ça, j’ai jamais fait, à chaque fois je reste à la barre quand on mouille. C’est la première fois que je suis seule sur un bateau en nav ! Je suis tentée de mettre le génois, mais Martin m’avait dit que je devrais le mettre si j’avais un problème. Donc je reste simplement au moteur et je ramène Goelhan à bon port en attendant que les garçons ramènent le voilier dérapant… Au final, c’était un gars qui connaissait rien à son bateau et qui avait mal mouillé, qui avait demandé à Jordi sur la plage d’aller l’aider en voyant son bateau partir au large. Il leur donne 300 euros pour le dépannage… trop forts.


Les Saintes, la vie est douce [13-18 janvier]
Après cet épisode un peu chaotique, on peut reprendre la mer brièvement pour arriver jusqu’aux Saintes, petit archipel d’îles riches en reliefs. La nav est belle, on file avec Martin et on trace même la Joia qu’on aperçoit sous un arc-en-ciel. Le soleil se pose majestueusement sur l’horizon entre les îles puis disparait, nous retardant la lumineuse découverte des Saintes et de ses couleurs pour le lendemain.




L’ancre rejoint les profondeurs d’une petite baie dans l’obscurité, et on se retrouve tous.tes sur la Joia.
Aux Saintes, l’eau est translucide et poisonneuse, les paysages idylliques, le mouillage paradisiaque. On passe quelques jours ici. En arrivant, on se retrouve – encore – à danser au son des tambours entendus ça et là dans le village dans lequel on va souvent boire des ti-ponch (les fameux) à quelques kilomètres des bateaux. On assiste aussi à une avant-première du carnaval si spécial ici. C’est toute une foule habillée de blanc tacheté de couleurs, qui défile dans les rues avec des instruments ultra variés et impressionnants. Je les suis presque en extase devant leur incroyable maitrise de rythmes sophistiqués, au son des tambours qui animent quelque chose de bien profond en moi, m’interdisant de quitter le convoi.





Louisa part voir une amie à elle en Guadeloupe, tandis que Martin quitte avec Goelhan régler quelques histoires avec son ex là-bas. C’est convenu, je serai une nouvelle coloc de la Joia jusqu’à ce qu’on le rejoigne en basse terre à l’ouest de la Gwada, quelques jours plus tard. Jordi m’accueille les bras ouverts tout naturellement sur son bateau.
16 janvier. M’y voilà donc. Putain. La vie caribéenne est vraiment douce ici. Je m’abandonne aux choses, tout est simple et fluide : les gens avec qui je suis, la chaleur et le beau temps, l’enchaînement logique des évènements. Je me rends compte que je galère grave à mettre des mots, puisque cette aventure y échappe. Elle est là, tellement naturelle.
Ce matin, 7h. « Mahaut, je vais bientôt bouger ! » Me lance Martin depuis le carré. Je l’avais entendu commencer à s’activer pour se mettre en route pour la Gwada. Je fais des affaires pour quelques jours – on sait jamais quand on se rejoindra, éternel imprévu oblige -, je l’aide à lever l’ancre en restant à la barre, je saute dans le kayak avec mes sacs et je rejoins la Joia finir ma nuit tandis que Goelhan disparaît au loin.
2e réveil, 9h. Anna prépare un petit dej à base de tomates / avocats et galettes de sarrasin avec du jambon de catalogne. L’enceinte coule de la musique espagnole mise par Jordi et me pousse doucement hors du sommeil.
On enfile nos masques pour une session snorkle/ pêche au harpon vers les rochers touffus de vert qui bordent la baie pain de sucre. Quel nom mignon, il illustre bien la douceur de l’endroit. Les coraux sont des arbustes dansant lentement au gré de l’eau. Je pêche mon premier poisson, un petit, que Jordi m’avait montré, j’avoue.
« Alors, on les mange maintenant ou ce soir ? » se lèche-t-on les babines en admirant le fruit de notre pêche colorée. Le choix est vite fait. Dix minutes après, c’est tranchages de nageoires écaillement des poissons. Se délecter de la mer et ses peuplades. Des instincts primaires resurgissent. Nous sommes une tribu se sustentant de son environnement naturel. Grégaires et nomades, sur l’eau. C’est ce dont j’ai rêvé, de vivre cette communion dans la simplicité avec des gens en belle vibration. Merci la vie. Je sais que les humeurs tournent vite en voyage, mais pour l’instant, je suis émerveillée. »









La Joia del mar… bateau qui deviendra très familier. J’avais déjà passé pas mal de moments à bord, au mouillage quand on se rejoignait tous pour l’apéro ou des repas ou faire de la musique… mais jamais je n’y avais dormi. La Joia, c’est le bateau que Jordi a acheté il y a trois ans à Barcelone, avec une idée en tête : faire le tour du monde avec. Depuis, maints horizons a-t-il atteints, la plupart avec son super pote Jean rencontré aux Açores lorsqu’ils étaient encore étudiants : les Canaries, où il a skippé pour des recherches scientifiques sur les baleines ; le Sénégal, pour un projet solidaire d’assainissement de l’eau et distribution de filtres dans plusieurs villages, le Cap Vert, la transat puis le Brésil et ses pirates, et finalement les Caraïbes, où nos destins se sont mêlés. En très gros. Parce que trois ans d’aventure en une phrase c’est chaud.* Bref, la Joia a vu pas mal de choses et a chevauché un bon nombre de vagues. Long de 42 pieds (13m), c’est un bateau avec une âme, comme celui de Martin. A l’intérieur, un bon nombre d’objets ramenés ou offerts au long de leur périple peuplent le bateau d’une myriade d’anecdotes qui racontent leur histoire. Planches de surf fixées au plafond, photos, chapeaux, guitares et autres instruments, stickers aux messages anarchistes constituent un joyeux bordel organisé. Sur la Joia, pas de superflu. Donc… pas de toilettes ni douche. Oui, il faut s’habituer au manque d’intimité (bon ça, j’ai dépassé ce stade) et à faire caca dans un seau ou par-dessus bord. La mer accueille notre crasse et nos déjections. On s’habitue vite et je dois même admettre que bien sûr, ça devient kiffant de vivre à la sauvage. Bref, c’est un bateau bien roots qui colle à l’esprit du duo.
* Petite parenthèse, mais leur trajet Espagne – Canaries – Sénégal – Cap Vert – Brésil, c’est aussi celui de Adishatz, qui est parti au début du mois de février en transat, Étienne, un de ses fils, Nini toujours et trois bateaux-stoppeurs à bord ! Je suis encore en contact étroit avec Nini.
Je rejoins donc tout ce beau monde sur la Joia, on se balade, on pêche. L’ambiance est très cool, je me sens complètement hors du temps tant la vie est simple. Mais bientôt, c’est l’heure de dire au revoir à Charlotte et Laura, qui repartent en Martinique prendre leur avion pour Bruxelles. Jean les serre dans ses bras entre deux hoquets, le ponch coco est passé par là. Ca doit être génial, me dis-je, de faire partager ses aventures à sa famille, surtout lorsqu’elles deviennent un mode de vie. C’était la première fois qu’elles naviguaient, sur ce bateau que Jean habite avec Jordi depuis quasi 2 ans.

Puis c’est notre tour de quitter les Saintes pour rejoindre la Gwada, avec Jean, Jordi et Anna. On se réveille un dernier matin avec la musique à fond d’un bateau tout proche. Qui est le con qui fout ce tahu à 7h du zbar, je l’insulte dans mon sommeil ? Et bien… C’est un autre Martin, troisième membre de notre flottille ! Martin, c’est un gars avec lequel Martin (Goelhan) Jean et Jordi se sont liés d’amitié en Martinique au Marin. A l’aventure comme les autres, il a décidé de suivre le plan Pacifique à bord de son tout mignon Deneb (du nom d’étoile qui l’a guidé lors de sa première nav, il y a trois ans en Bretagne). A peine arrivé, il décide de nous suivre direct en Gwada pour qu’on se retrouve tous ensemble.


Les saintes – Gwada, deuxième sauvetage
Direction : Malendure, côte sous le vent de la Gwada. On part tranquillou, y’a pas trop de vent, la nav s’annonce chill. Ahaha naïfs que nous sommes ! C’était sans compter le sort qui a bel et bien décidé de nous faire sauveteurs des mers – du moins les garçons. Au large de la Gwada, alors qu’on voit Goelhan (Martin qui remontait de Pointe-à-Pitre) et Deneb tous proches de nous, un autre voilier s’ajoute au paysage, voiles battantes et cap incertain. On passe à côté pour voir si todo bien, et on se fait héler par la capitaine, qui a l’air bien perdue. Leur moteur surchauffe et elle ne peut plus l’utiliser, nous crie-t-elle. Elle doit pas avoir bien l’habitude de naviguer au vent… Allez, Jean saute à l’eau pour lui étarquer et border les voiles, mais le vent est aux abonnés absents, sur cette côte de l’île. Voilà comment la Joia se retrouve avec deux bouts sur ses taquets de l’arrière, à tracter au moteur ce beau ketch mal loti, avec Jean, la capitaine et un autre gars (qu’elle a pris en stop la veille).


Cette courte nav devient infinie et on se résigne à choper un mouillage plus proche : Bouillante. Le bled porte très simplement bien son nom, puisque cet endroit est réputé pour ses sources d’eau chaude qui se déversent dans la mer, produisant le phénomène étrange d’une mer… bouillante. Et puant le souffre. Un peu éreintés, on pose le premier pied sur la terre guadeloupéenne, on retrouve Jean puis les deux Martin et on va s’essayer à l’eau brûlante bondée de couples venant profiter de la fraicheur du soir pour le bain naturel. Yessaï, c’est la Gwada.
Le lendemain, alors que Jean part pour Pointe-à-Pitre retrouver Louisa, on part en excursion pour une cascade. La végétation guadeloupéenne est encore plus démesurée que celle de la Martinique. Les rayons du soleil filtrés par les épaisseurs des feuilles amènent ces si beaux contrastes de verts qui me fascinent toujours. La jungle est luxuriante, la cascade très fraîche, hop comme d’habitude, on en profite pour se shampooiner et se dessaler.


On fera trois mouillages sur cette côte, assez rapidement puisque Jordi veut monter assez vite en Rep Dom, où il doit retrouver dix de ses potes d’enfance de Barcelone qui viennent passer leurs vacances. On bouge à Malendure et ses îlets remplis de poissons, puis Deshaies.


Entre les deux, un 4e bateau rejoint la flottille. A bord, un autre Jordi (ouais entre tous ces Jordi et Martin ça se complique), que Martin Deneb a rencontré en Dominique où il lui a proposé de suivre l’aventure Pacifique.
« 21 janvier. Malendure. Aujourd’hui, Martin 2 nous prépare un délicieux pain aux bananes plantins sur son bateau Deneb. Il me fait écouter son EP de rap marin qu’il a sorti y’a an. Ça claque. (allez voir ici il est vraiment doué !). J’aime bien Martin. Nouvel élément du groupe, il ajoute à son tour son énergie au groupe, comme chacun.e d’entre nous. Chaque membre de cette nouvelle famille me touche différemment.
On bouge de bouillante pour Malendure, mouillage où on était censés aller avant l’opération sauvetage du ketch. Et ce soir, sur la Joia, on peint les murs. « Un mur blanc est un mur qui doit être peint », annonce Jordi. Martin 1 rame chercher sa gouache sur Goelhan et c’est parti, toujours avec la mythique playlist Cuc*. C’est un moment que j’oublierai pas. Tellement de liberté simple, une sorte de communion momentanée qui ne se commente pas forcément. Une symbolique : la Joia est marquée de notre passage commun dans l’aventure.

En meme temps, je sais que viendra un moment où je devrai retourner un peu à mes habitudes de voyage et de découverte de nouveaux endroits. Faudra que je me casse un peu en stop. Mais chaque chose en son temps.
Je vais bientôt devoir choisir, entre la Joia et Goelhan. [Les plans séparaient momentanément les bateaux : la Joia partait en Rep Dom, Deneb retournait un peu en Martinique et Martin devait rester en Guadeloupe jusqu’à mi-février, un copain venait le visiter. Je me projetais sur Goelhan comme prévu initialement, à rester un mois en Guadeloupe et en profiter pour travailler sur mes projets d’articles sur Econogy en attendant de continuer à monter. Mais de l’autre côté, j’avais finalement l’opportunité de partir avec la Joia avec Jean, Louisa, Anna et Jordi. Martin, tout chou, m’avait mise bien à l’aise : je faisais bien comme je voulais, il serait content si je restais mais si je partais, ça lui allait aussi]. Plus j’y pense plus j’ai envie de partir suivre la dynamique en rep dom. »
Dilemme et hésitations, comme d’hab. « Sempiternelle indécision qui me pose dans une certaine vulnérabilité », j’écris. Suivre la Joia, c’était aussi être avec deux couples et ça me rebutait un peu. Et je me dis : dans cette dynamique, « apprécie ta liberté, fais-la valoir puisque nul ne te retient ou ne t’attend ».
La réponse vient un peu toute seule : je veux aller de l’avant et ne pas m’enliser en Guadeloupe, je sens que c’est pas le moment. Aussi c’est encore un territoire français, alors que j’avais pas mal arpenté la Martinique. Faut voir ailleurs ! Je crois que je veux du neuf et du mouvement.
Un jour avant le départ de la Joia pour 470 miles jusqu’à la terre dominicaine, je prends le dinghy de Martin. Sa petite annexe, je commence à en maitriser la conduite et à même pouvoir faire des manœuvres stylées du genre petits drift pour s’amarrer aux bateaux. Enfin ça, c’est quand je suis pas à la dérive toute seule sur le dinghy à cause de son moteur capricieux qui s’arrête – Jean était déjà venu me tracter en kayak à Marie Galante… oupsi. Bref, je prends l’annexe et vais annoncer à Jordi ma décision : j’en suis !!
Je fais mon sac, aide à gratter la coque de la Joia qui est pleine de coquillage, dis au revoir à mon captain Ma’. Il va nous manquer le Martin !


Et c’est parti. Le 24 janvier au matin, on quitte la Guadeloupe cap au Nord-Ouest. Peut-être fera-t-on un petit stop aux Iles Vierges Britanniques, qui sait. En tous cas, je me fais accueillir sur la Joia avec un gâteau poêlé à la banane confectionné par Anna, et deux grosses bougies. Aujourd’hui ça fait 22 ans que j’existe dans cette vie et c’est le jour où je mets les voiles, au sens propre comme symbolique, pour encore un nouveau chapitre de celle-ci.
A très vite pour la suite, à bord de la Joia

MERCI ma chérie de ce temps que tu as pris à partager tes aventures ! De plus, certaines photos sont tellement magnifiques … ma préférée est celle avec l’arc-en-ciel !
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