â›” Projets et escapades outre-Atlantique en 2022-2023 🌎
Mois : <span>juin 2023</span>
Mois : juin 2023
Mis en avant

Une tribu au Guatemala

02.04, 13h. On a quitté Guanaja ce matin.

Les cĂŽtes du continent sont apparues. Continent !! Ça fait longtemps que j’ai pas touchĂ© un continent, peut-ĂȘtre six mois en fait. Wahou. On distingue sommairement un bleu plus foncĂ© que le ciel Ă©mergeant de l’horizon, dĂ©coupĂ© en reliefs montagneux avec pour chapeau des nuages terriens, Ă  bĂąbord. A tribord les Ăźles du petit archipel hondurien auquel appartient Guanaja.

On a plus de gaz et j’ai faim, on va se nourrir de semoule et lĂ©gumes crus jusqu’à l’arrivĂ©e. [Heureusement que la nav durait moins de 48h. Ça m’a Ă©vitĂ© de penser Ă  bouffer Martin]

17h. Goelhan avance bien, 6 nƓuds de moyenne dans une mer plutĂŽt plate, gĂ©nois tangonnĂ© Ă  tribord, grande voile Ă  bĂąbord. Le vent nous pousse inexorablement vers l’ouest depuis la RĂ©publique Dominicaine. Mais cette Ă©poque touche Ă  sa fin, et trĂšs vite les flots atlantiques mourront sur les cĂŽtes du continent et cette poussĂ©e folle des alizĂ©es s’Ă©touffera. La fin. Le continent. On est en train de passer la pointe de l’Ăźle suivant Guanaja. La suivante sera Ă  tribord, peut-ĂȘtre. Puis ça sera le Guatemala.

Comment sera mon voyage sur terre ? [
]

Mes compagnons me manqueront. Jordi, mon catalan de cƓur dont les yeux clairs et le charisme dreadeux soulignent sa droiture, son humanitĂ© et sa dĂ©termination pleine de rigueur. Dijo le kiffeur, petite boule de vie et d’enthousiasme, d’idĂ©es et de lĂ©gĂšretĂ©. Martin, d’une gĂ©nĂ©rositĂ© et d’un humour que j’ai rarement croisĂ©s. Arthur, authentique boute-en-train casse-couille sur les bords mais je l’aime pour ça, qui recherche de l’amour autant qu’il en donne. L’autre Martin, le rationnel, l’esprit d’une logique diffĂ©rente que j’aime essayer de comprendre. Flo, Flo la prĂ©sence rĂ©confortante et le sourire, la profondeur et l’humilitĂ©. Jean, sa douceur, son attention, sa prĂ©sence. LoĂŻc, le tempĂ©rĂ©, l’intĂ©ressant et curieux LoĂŻc. Nemo le fougueux, l’artiste, le baroudeur de vie. Margot et sa facilitĂ© d’accĂšs, son avenance. Laurent et ses histoires, son Ă©nergie de don, de complicitĂ© et d’abondance.

Je les aime tous, chacun diffĂ©remment. Et si la vie tous ensemble inflige parfois beaucoup de questionnements, je me sens nue et vide Ă  l’idĂ©e de leur absence.

1h30. L’impression d’ĂȘtre un bolide lancĂ© Ă  pleine balle sur l’autoroute. Pourtant quand je regarde les stats sur navionics on depasse pas les 5.5. Il doit y avoir un truc universel pour que les moyennes descendent en deux secondes et bien plus rapidement de comment elles montent. Connasses. En tous cas on se fait un peu dĂ©gommer par le vent. Je suis en quart et j’Ă©cris, mais je suis tellement fatiguĂ©e. Je pique du nez Ă  fond mais je devrais pas dormir.

03/04 9h30. Une odeur spĂ©ciale ramenĂ©e par un vent du sud m’a frappĂ©e ce matin. Une odeur fraĂźche, une odeur terrienne. Bien sĂ»r, c’est si on oublie l’odeur infernale de curry – un pot s’est renversĂ© pendant le coup de vent de cette nuit.

16h50. Guatemala Ă  bĂąbord. De plus en plus d’objets terrestres parsĂšment les vagues : des feuilles, des trucs… Des cargos aussi, beaucoup, et quelques petits Ăźlets. Le vent a un peu repris aprĂšs quelques heures de pĂ©tole ce matin. C’est fou comme la mer se transforme vite et retrouve un aspect formĂ© en quelques heures de vent.

19h. Le soleil s’est couchĂ© de ses plus belles couleurs : son rouge se mĂ©langeait avec un violet vers l’horizon et un orange flamboyant Ă  sa tĂȘte. C’est peut-ĂȘtre le dernier coucher de soleil – j’ai failli tomber par dessus bord- que je vois en mer avant bien longtemps. Demain, on entrera en zone fluviale… dans les mĂ©andres du continent.

J’ai peur je crois, de ce changement. ApprĂ©hension de la fin, de la transition. LĂącher prise…

On est a 10 miles. On arrive.

20h. La Joia est derriĂšre ! C’Ă©tait donc bien elle, le trait de voiles blanches qu’on voyait minuscule sur l’horizon. Elle se fait reconnaĂźtre par sa familiĂšre lumiĂšre clignotante du haut du mĂąt, avec la nuit.

C’est une sensation si agrĂ©able de switcher du short au pantalon et d’enfiler un pull pour se lover dans le cockpit quand le soir et sa fraĂźcheur s’installent. Finalement, j’aurai pu passer une autre nuit en mer. Et je suis bien dans ma cabane – cabine.

21h30. La lune Ă©claire notre mouillage qui se rapproche. Les cannes Ă  pĂȘche de Martin chantent en cƓur, les cordes vocales animĂ©es par l’immiscion d’une douce brise tiĂšde. Vent au prĂšs, incroyable. Ça fait si longtemps qu’on ne navigue plus qu’en vent arriĂšre, le soleil couchant comme guide. Le souffle nous amĂšne des effluves florales chaudes et rondes, les premiĂšres d’un continent.

22h30. L’ancre est mise, Gwaaatemala ! Le Mojo est arrivĂ© avant nous de quelques heures. La Joia approche silencieusement. Je voudrais qu’on se retrouve sur l’un des bateaux mais tout le monde est assez KO… Tout pareil. La question est de savoir si on bouge Ă  Livingston demain Ă  la marĂ©e haute trĂšs tĂŽt, ou plus tard…

On s’est arrĂȘtĂ©s dans une petite baie pour y passer la nuit avant d’attaquer ce fameux chenal jusqu’à Livingston, ville porte d’entrĂ©e du Rio Dulce. Ce passage de la mer au fleuve est formĂ© de courants particuliers qui remuent la vase, et donc qui le rendent trĂšs peu profond. Avec Goelhan, le plus petit de la flotille, on passe sans problĂšme. La Alegria nous a prĂ©cĂ©dĂ©. Mais le Mojo doit attendre la marĂ©e haute et Jordi prĂ©fĂšre faire pencher la Joia pour passer.

Puis c’est le pied Ă  terre, sur le continent amĂ©ricain. On est arrivĂ©s. Mais pas encore Ă  Rio Dulce, ville qui borde le fleuve du mĂȘme nom, et oĂč la Ram marina nous attend pour sortir les bateaux de l’eau.

On dĂ©couvre Livingston – qui ne fait pas un Ă©norme contraste avec la Rep Dom -, l’ambiance du Guate, l’AmĂ©rique Latine.  Une fois les papiers faits (Ă©tape bien moins reloue qu’en JamaĂŻque), on fĂȘte notre arrivĂ©e, les garçons passent l’aprem au bar, moi je me balade un peu quand mĂȘme histoire de, et on se familiarise avec les discothĂšques locales qui bordent la plage le soir de notre arrivĂ©e.

Retrouvailles

Le lendemain, on relĂšve l’ancre pour un moment historique de notre communautĂ© : l’entrĂ©e du Rio Dulce.

Le Rio

05/04 23h30. On est pas seulement sur le continent mais Ă  l’intĂ©rieur, lĂ  oĂč l’eau persiste. Rio dulce.

Notre entrĂ©e dans le fleuve Ă©tait mythique. La flotille, 4 bateaux ayant quittĂ© la mer pour la jungle comme dĂ©cor, Ă  se suivre dans les profondeurs du Rio. Petit coup de fouet d’Ă©merveillement en passant les premiers coudes. Quel dĂ©cor extraordinaire et quelle symbolique de finir par les terres. La boucle est bouclĂ©e


On est au mouillage Ă  l’intĂ©rieur du fleuve, qui nous a avalĂ©s pour nous traverser de son ambiance luxuriante et mystĂ©rieuse. Dans une petite baie, on s’est mis Ă  couple avec la AlegrĂ­a et le Mojo. Une grande communautĂ© flottante avec 3x plus d’espace. On a aussitĂŽt fait l’apĂ©ro sur le mojo. On est allĂ©s checker le bar sur pilotis d’a cĂŽtĂ© et on a trouvĂ© des vieux pirates loups de mer qui zonent lĂ  depuis des annĂ©es. Puis on a mangĂ© ensemble une bouffe de NoĂ«l.

Finie l’eau salĂ©e, place Ă  l’eau douce. Mes cheveux sont tout doux. Nager est beaucoup plus difficile sans le sel et le savon mousse…

Mais putain, c’est fini la mer. J’ai du mal Ă  rĂ©aliser que c’est la fin de cette aventure, cette Ă©popĂ©e jusqu’au Guatemala. On arrive au bout de ce chapitre, chapitre avec les copains depuis la Martinique en janvier, chapitre en voilier depuis octobre en France. Ça fait une sacrĂ©e charniĂšre. À ouvrir une autre page. Je suis nostalgique dĂ©jĂ , la mer va me manquer tant ! On verra, peut-ĂȘtre l’oublierai-je vite. mais j’en doute.

Rio Dulce, ses grandes murailles de jungle, son eau paisible, ses cabanes qui lient la terre et l’eau. Émerveillement.

Le lendemain, on repart le matin pour parcourir les derniers miles qui nous sĂ©parent de notre marina. Avec Flo, on quitte notre mouillage en dinghy avant les autres pour explorer les cĂŽtes du fleuve, avant de rejoindre Ă  la volĂ©e les bateaux qui continuent leur route. Puis pour ces derniers miles, on saute d’un bateau Ă  l’autre, on se fait tirer en paddle, bref, des vraies gosses qui jouent de cette nav sur une eau plate.

07/04 1h11. Au mouillage Ă  la Ram marina, Ă  Rio Dulce. Hier Ă  la mĂȘme heure, on Ă©tait en dernier mouillage camping sauvage. Aujourd’hui, l’ancre est mise Ă  la destination finale, lĂ  oĂč les bateaux vont quitter leur Ă©lĂ©ment symbiotique pour quelques temps, et l’aventure avec. En pause. Pour eux. Moi, c’est plus une fin qu’une pause.

Ici, les voiliers sont partout, une sorte de Marin du Guatemala en plus petit. Autant de bateaux que d’histoires… L’entrĂ©e dans la marina avait un goĂ»t d’amertume indissociable de la fin d’un Ă©pisode. Cet aprĂšs midi, j’Ă©tais hagarde. On errait dans la ville, et je me sentais complĂštement aliĂ©nĂ©e par la folle agitation foisonnante qui nous pressait de tout son poids. Quel contraste par rapport Ă  nos stops rĂ©cents. La perspective de la fin m’a rendue pensive et boudeuse. Les plans continuent avec les membres de la flottille, mais bientĂŽt ils seront plus lĂ  et commencera quelque chose de neuf.

D’ailleurs putain, j’ai rencontrĂ© Justine, celle qui m’a plantĂ© la graine de la transat en bateau stop il y a trois ans, quand j’Ă©tais sur le point de partir au Liban. Quelle boucle ! Je rencontre celle par qui tout a commencĂ©, Ă  la fin de mon pĂ©riple de quasi 6 mois Ă  la voile. La vie est bien faite, de m’avoir amenĂ©e Ă  elle. Six mois eh ! J’ai quittĂ© la France mi-octobre. Des miles et des aventures.

Ces aventures aquatiques se terminent donc petit Ă  petit
 Je rĂ©flĂ©chis en toile de fond Ă  la suite de mes aventures, quand tout le monde sera parti. En attendant, nos quatre navires se font sortir un par un de l’eau, pendant qu’on se familiarise avec le chantier de la Ram marina. Goelhan est l’un des derniers, et pendant que Dijo commence Ă  refaire une beautĂ© rouge Ă  la Alegria avec l’aide de Martin et Flo, que Jordi et Jean commencent Ă  poncer l’antifouling* de la coque jusqu’à la fibre pour traiter l’osmose** de la Joia, on part pour naviguer deux petits jours sur le lac Izabal qui suit le Rio avec Martin et le Mojo.

*une peinture méga toxique dont les coques sont recouvertes pour chasser les algues et coquillages, qui abiment et ralentissent le bateau.

 **une espĂšce de maladie de bateau en fibre de verre, quand l’eau s’infiltre et creuse de l’intĂ©rieur. A peu prĂšs.

Le chantier

Puis c’est le tour de Goelhan et du Mojo. Ça y est, on est tous Ă  terre. Le gris des graviers remplace le bleu de l’horizon, on est Ă  4 mĂštres du sol, on ne bouge plus. On range, on attrape les ponceuses et on commence Ă  virer l’antifouling du Goelhan avec Martin. Je prĂ©cise qu’on doit l’enlever pour le renouveler assez rĂ©guliĂšrement, et laisser les bateaux aussi longtemps en hibernation – les garçons reviennent vers octobre au Guate aprĂšs leurs saisons respectives en Europe – est une bonne occasion de tout remettre au propre.

Il fait tellement chaud qu’on est obligĂ©s de boire des trucs frais en permanence. Soda, on bosse, on ponce beaucoup, on plie les voiles, biĂšre fraĂźche, on sort les chaines de mouillage, on nettoie tout, on fait quelques fĂȘtes dont l’anniversaire de Jean qui cĂ©lĂšbre le passage Ă  la 32e annĂ©e de sa vie, on fait des barbecues le soir avec nos nouveaux copains copines.  

11/04. Le chantier. J’adore les chantiers. Tout le monde s’affaire, est sale, fait des pauses, reprend, boit des biĂšres, prend des astuces, emprunte des outils, continue. J’apprends ce qu’est l’osmose, l’époxy, plein de trucs. On se lĂšve, se croise, passe d’un bateau a l’autre ou d’un plan a l’autre. J’ai pas envie que ça se termine. J’adore ça. Mais Laurent part bientĂŽt, puis LoĂŻc, puis ça sera le surf. Alors j’essaierai de rendre cette semaine Ă©ternelle.

C’est donc ainsi qu’on s’insĂšre dans cette dynamique active du chantier (qui me rappelle d’ailleurs beaucoup le chantier Offre Joie auquel j’avais participĂ© Ă  Beyrouth) oĂč tout le monde se lĂšve tĂŽt avant les grosses chaleurs de midi pour avancer sur son bateau. Je dĂ©couvre l’amont de la navigation : le travail. A chaque bateau que j’ai foulĂ©, je n’ai jamais que profitĂ© de son effectivitĂ© : soit il Ă©tait dĂ©jĂ  Ă  l’eau, soit il se faisait mettre Ă  l’eau, comme c’était le cas pour Adishatz, mais j’arrivais aprĂšs tout le travail. C’était une vision incomplĂšte que j’avais du monde de la voile ; on ne se rend compte que lorsqu’on reste dans un tel chantier Ă  quel point un voilier, c’est du taff. LĂ -bas, on rencontre beaucoup de monde qui bosse depuis des annĂ©es sur leur bateau ! D’ailleurs, on a affaire Ă  beaucoup de jeunes, dont Justine, qui m’impressionnent et m’inspirent par leur expertise et leur projet. Trop un kiff de voir autant de voileux de la vingtaine, qui s’activent pour aller au bout de leurs idĂ©es !

Goelhan, Joia, Alegria ON THE GROUND

14/07. Petit coup nostalgie en regardant Goelhan depuis la proue ce soir, comme j’aimais le faire en nav quand j’allais Ă  l’avant. Voir le bateau en entier de devant, ça changeait de la vision qu’on en a toujours depuis le cockpit. Mais lĂ … Pas besoin de s’accrocher aux haubans ni Ă  tout ce qui traine, j’Ă©tais lĂ , debout sur le bateau parfaitement immobile, contemplant les nĂ©ons au lieu des Ă©toiles, le gris du chantier gommant la mer. Fini, tout ça. Et ça me manque dĂ©jĂ . Et si je plaquais tout et je faisais une transat retour ??? J’aurais un Ă©tĂ© en France… Mais bon. Je suis lĂ  et il me manque tout un pan du voyage. J’ai encore Ă  vivre ce qui lui donnera de la perspective et du sens, au voyage et Ă  ce que j’en ai fait pour l’instant.

La nostalgie de la mer reste en toile de fond mais l’activitĂ© la tempĂšre, et surtout, je suis encore avec les personnes qui ont peuplĂ© le monde qu’on s’est créé pendant ces quatre mois. Notre flottille aquatique devient une tribu terrestre. LĂ  oĂč nos bateaux sont sortis, c’est assez vide. Bien sĂ»r, on met rapidement un bon bordel et on squatte tout l’espace en se crĂ©ant un coin cuisine, un coin sieste, un coin film
 Dijo fait pendre sa grande voile dĂ©chirĂ©e de la Alegria, on met un vidĂ©oprojecteur, les matelas des bateaux par terre, et on se fait des soirĂ©es films en rejoignant les bras de MorphĂ©e les uns contre les autres.

La raison de toute cette effervescence assez dynamique, c’est que les garçons veulent rapidement quitter le Rio pour aller surfer sur la cĂŽte Pacifique du Guate avant de rentrer en Europe. La perspective du surf trip a de quoi booster les accros des vagues. Les dĂ©parts se font progressivement, les au-revoirs Ă  certains, les Ă  dans quelques jours pour d’autres. Je dĂ©cide de rester pour rĂ©gler quelques trucs, Ă©crire tranquillement sans ce bourdonnement du groupe qui laisse moins de place au calme.

Et puis
 L’aventure m’appelle. Je suis au Guatemala, en AmĂ©rique centrale, et je n’en connais encore rien ; je suis dans ma famille confortable de copains francophones, mais j’ai bien envie de partir au pouce expĂ©rimenter le pays.

C’est lĂ  que le personnage principal de mon bouquin re pop-up ! Vous l’aurez devinĂ© j’espĂšre
 Barbassss !! Les chiens ne sont pas acceptĂ©s dans les bus au Guatemala et Jordi cherche une solution pour l’embarquer au ParedĂłn, le spot de surf choisi sur la cĂŽte Ă  l’extrĂȘme opposĂ© du Rio Dulce. On fait le deal parfait : el catalan prendra le bus en embarquant « ma » planche attitrĂ©e, et moi je prendrai mon pouce avec Barbas comme compagnon de stop. EnchantĂ©e Ă  l’idĂ©e de reprendre la route et qui plus est, avec un perrito, je prĂ©pare mon dĂ©part.

Je tiens Ă  prĂ©ciser que Martin et Flo achĂštent un putain de bateau en arrivant au Rio !! Ils avaient l’idĂ©e de le faire dans quelques annĂ©es, et avoir naviguĂ© sur la Alegria les entraine Ă  finalement tout plaquer et acquĂ©rir un trĂšs beau voilier de 42 pieds tout Ă©quipĂ©. Ils filent en Suisse pour faire des sous cet Ă©tĂ© pour payer la merveille
 Ils seront de l’aventure quand les garçons reviendront bosser sur leurs bateaux cet automne.

18/04. Et voilĂ , je suis la derniĂšre de la flotille. Ils ont quittĂ© un Ă  un, Nemo et Margot, Laurent, Dijo et Martin, Jordi et Jean, Flo et Martin, LoĂŻc aujourd’hui [avec sa moto fraichement acquise : aprĂšs le bateau-stop, il veut traverser l’AmĂ©rique Latine du nord au sud sur deux roues !!]. Et moi, seule avec 4 bateaux fantĂŽmes, je suis encore au chantier.

Normalement, je reviendrai au Rio Dulce un peu plus tard, pour aider Justine sur tous ses projets de rĂ©novation de voiliers, que vous pouvez checker sur sa chaine youtube. C’est un sacrĂ© bout de meuf avec une bonne dĂ©ter et je dĂ©cide de lui donner un coup de main je sais pas trop quand avant de rentrer au bercail !

Mais lĂ , c’est mon tour. Je dis au revoir aux nouveaux amis du chantier – beaucoup de francophones d’ailleurs – et je fais mon sac pour prendre la route terrestre pour la premiĂšre fois depuis longtemps.

Ready to GO

C’est parti, je tends le pouce un beau matin. Des GuatĂ©maltĂšques bien aimables, deux ou trois camions, un chapeau trouvĂ© au chantier oubliĂ© dans l’un deux, un don de casquette et un stop pour manger avec Barbas plus tard, j’arrive Ă  la capitale du pays. Il est 18h, je n’aurai pas le temps d’arriver au ParedĂłn avant la nuit, alors je dĂ©cide de fractionner mon trajet. Par contre, les grosses villes, trĂšs peu pour moi. Je regarde une carte et je vois que je suis proche d’Antigua, une ville bordĂ©e de volcans dont j’ai entendu parler. Allez Barbas, on dormira lĂ -bas ce soir. Je me retrouve Ă  l’heure de pointe dans Guate Ciudad Ă  slalomer entre les voitures sur une moto, avec mon conducteur, un Barbas, mon gros backpack et moi. Ça me fait bien marrer. Je suis heureuse de retrouver le stop. Quand ça fait trop longtemps que j’en ai pas fait, je sens le besoin de ma dose de provoc envers la vie et d’accueil de l’imprĂ©vu.

Acatenango

20/04. Je suis à Antigua, loin de Rio dulce. Je me réveille dans un hostel un peu en bug. Déjà il fait froid, sensation oubliée, ensuite je suis dans un vrai lit.

Hier soir j’ai un peu rĂ©alisĂ©. C’est la premiĂšre fois que je dors en hostel seule, alors que c’est la normale pour les traveleurs de mon genre. Ça marque un avant goĂ»t de la rupture de quand les garçons partiront. Je suis plus sur les mers, sur les bateaux. Les gens de bateaux ont quelque chose en plus. L’aventure, la vraie. J’ai compris ça aussi en discutant avec une fille de l’hostel. Les voileux ont vraiment parcouru, improvisĂ©, rencontrĂ© toute sorte de situation improbables ou urgentes.

Bref ça me manque, dĂ©jĂ . Alors aujourd’hui je dois me dĂ©cider, soit je rejoins tout le monde Ă  el ParedĂłn ce soir, soit je me chauffe Ă  gravir un volcan pendant deux jours.

En effet, l’ascension du volcan Acatenango est l’attraction du coin. A presque 4000 m, il offre une vue imprenable sur le Fuego, un autre volcan qui rentre en Ă©ruption toutes les cinq Ă  quinze minutes. Des hordes de touristes et de jeunes backpackers le gravissent chaque jour, attirĂ©s par la vision de la lave ; le spectacle de ce phĂ©nomĂšne naturel en fait une Ă©tape incontournable du Guatemala pour beaucoup. Pour faire l’excursion, il faut booker une place par une agence – il fait suuuuper froid en haut, c’est pas trop envisageable de le faire de son cĂŽtĂ© Ă  moins d’ĂȘtre sacrĂ©ment Ă©quipĂ©e. Il faut donc passer par des guides qui emmĂšnent chaque jour des groupes d’une vingtaine de voyageur.ses sur les pentes du volcan ! LĂ -haut, ils ont des espĂšces de campements bien foutus pour accueillir tout ce peuple.

 Vous l’aurez compris, je me chauffe sur un coup de tĂȘte Ă  aller voir ce qui se passe sur l’Acatenango. Je rejoindrai les copains dans quelques jours, j’ai estimĂ© que le fomo n’était vraiment pas une bonne raison de retrouver le groupe direct. J’appelle donc mon copain Tristan (coucou !) qui Ă©tait au Guate il y a un an, il me donne le contact de la compagnie avec laquelle je monterai le lendemain.

Barbas a l’air pas super bien en point ces jours-ci. J’imagine qu’il est triste de l’absence de Jordi, mais je sais pas bien quoi faire – je rappelle que je sais pas m’occuper d’animaux haha. Sauf que Barbas est un chien spĂ©cial, un chien un peu humain, au comportement bien diffĂ©rent de ses congĂ©nĂšres collants qui demandent trop d’attention. Je l’aime, ce Barbas indĂ©pendant qui me fout la paix, on s’entend bien. Je me dis qu’il sera content de cette bonne ballade et je l’embarque en lui achetant trois tonnes de bouffe pour le booster un peu. Ma maniĂšre de rĂ©soudre le problĂšme. Au final, dĂšs les cinq premiĂšres minutes de la montĂ©e, le perro normalement tout guilleret Ă  montrer le chemin, se retrouve complĂštement Ă  la ramasse derriĂšre. Il a l’air Ă©puisĂ©, aucun moyen de le faire bouger, il se pose sur le chemin et s’arrĂȘte. Merde ! Impossible de le porter jusqu’en haut, c’est sĂ»r. Un guide descendant me propose de le garder jusqu’au lendemain, ce que j’accepte avec joie. J’aurais quand mĂȘme bien kiffĂ© ĂȘtre accompagnĂ©e de lui !  

Je suis un peu toute bousculĂ©e de me retrouver dans cet environnement tout touristique mais franchement aprĂšs-coup, ça valait vraiment le coup. On monte sĂ©vĂšre mais pas trop longtemps, puis Ă  la fin de l’ascension, on se retrouve nez-Ă -nez avec le fameux Fuego, crachant rĂ©guliĂšrement sa fumĂ©e boursouflĂ©e avec un bruit de souffle impressionnant.

Le soir, la brume s’installe et on est tous déçus de ne pas pouvoir voir la lave jaillir de son cratĂšre. Je mets un rĂ©veil dans la nuit pour checker son Ă©tat
 J’ai bien fait. J’ouvre la porte de ma cabane la tĂȘte dans le fessier et ce que je vois me rĂ©veille d’un coup, je lĂąche un grand « putain », j’attrape mon Fuji pour faire des poses longues avant de m’empresser de rĂ©veiller mes compĂšres de cabane. Il faut qu’ils voient ça.

Le souffle est tĂ©nĂ©breux, la lave jaillit majestueusement et retombe en coulĂ©e sur les flancs du Fuego, tout ce spectacle surplombĂ© d’une voĂ»te cĂ©leste digne de celles observĂ©es sur les mers, les nuits sans lune. Magique.

Quelques heures plus tard, on se lĂšve encore dans l’obscuritĂ© nocturne pour marcher et admirer le soleil se lever du sommet de l’Acatenango.

22/04. Ce matin je voyais le lever de soleil sur un volcan en Ă©ruption, par -10°. Ce midi je buvais une biĂšre sur une terrasse d’Antigua dans un bar de gringos avec des backpackeurs qui voyagent pas comme moi sur lesquels j’avais plein de prĂ©jugĂ©s mais au final des gens trĂšs cools, de mon groupe du volcan. Cet aprem je me sentais comme la reine du monde dans la remorque d’un pickup au milieu de bouteilles de gaz avec Barbas, stop pour quitter Antigua. Vingt minutes plus tard, je me sens comme une bonne merde sous la pluie, dĂ©posĂ©e sur l’autoroute, Ă  essayer d’arrĂȘter des voitures. Puis je me retrouve Ă  l’arriĂšre d’un pick-up sous une saucĂ©e cĂ©leste Ă  parler avec un GuatĂ©maltĂšque tout percutant. Puis je stoppe en dĂ©tresse dans un petit bled et une famille fait une heure de route en plus pour m’amener… C’est les montagnes russes. J’ai dormi 4h Ă  peine, je me suis rĂ©veillĂ©e Ă  minuit pour admirer le ciel tout dĂ©gagĂ© laissant apparaĂźtre des milliers d’Ă©toiles et le majestueux Fuego en Ă©ruption, Ă  me cailler le cul Ă  le prendre en photo. La vie est belle et intense mais j’ai parfois du mal Ă  la suivre. Et maintenant je rejoins les gars que j’ai pas vus depuis une semaine, j’ai l’impression que ça fait des mois. J’ai tellement bien fait de monter ce volcan. Ces gens avec qui j’ai montĂ© m’ont permis de faire cette transition, m’ont ouvert la porte que je me refusais Ă  ouvrir de mon voyage terrestre. Merci Ă  eux et elles.

Je sais pas si je me refusais Ă  ouvrir cette porte, comme je l’ai Ă©crit, mais ce qui est sĂ»r c’est que j’avais bien du mal Ă  me projeter sur terre, Ă  relancer mon backpack sur le dos et partir. Cette excursion Ă  l’Acatenango m’offre un avant-goĂ»t de mes aventures hors de la flottille. Je devais m’approprier cette nouvelle dimension de mon voyage, en solitaire ; tout Ă©tait possible, et encore plus lorsque les copains partiraient. Je dĂ©couvre aussi sur ce volcan, le monde des backpackeurs d’AmĂ©rique centrale, qui souvent descendent ou remontent cette partie du continent en quelques mois selon des itinĂ©raires assez courants. Je rencontrerai par la suite de mon voyage Ă©normĂ©ment de voyageurs de ce genre. Des belles rencontres, souvent Ă©phĂ©mĂšres, qui se font beaucoup dans les hostels, que j’essaie quand mĂȘme d’Ă©viter. Beaucoup de filles Ă  peu prĂšs de mon Ăąge ou un peu plus vieilles aussi, qui se font leur premier voyage en solo.

Mais ça, c’est pour d’autres Ă©pisodes. Pour l’instant, je me dirige vers le ParedĂłn pour cette derniĂšre semaine avec mes pirates chĂ©ris.  

Gaz stop – Barbas KO dans le back

El ParedĂłn

Le ParedĂłn, petit village de paradis sur le Pacifique. C’est un endroit encore authentique – je parie pas sur ça dans 10 ans – mais qui attire les touristes surfers du Guate pour ses vagues et sa longue plage. J’aurai l’occasion de revenir sur la description de cet endroit magique puisque ma route y reviendra et me le fera dĂ©couvrir plus en profondeur. Pour l’instant, je dĂ©barque dans la maison au toit typique de palmes tissĂ©es que mes copains ont louĂ©e pour une semaine.

LĂ -bas, on surfe, on fait la fĂȘte, on profite de nos derniers instants tous ensemble. La plupart chope une maladie qu’on appellera la mangolite, puisqu’elle provoque une bonne diarrhĂ©e qu’on soupçonne venir de la quantitĂ© Ă©norme de mangues qu’on mange tous les jours, la maison Ă©tant situĂ©e devant une dizaine d’arbres. Finalement, ça s’avĂšre plutĂŽt ĂȘtre un virus que j’attraperai aussi par la suite et qui met bien KO.

Dijo et l’arme du crime

Bref, la fin est intense et je suis dans la reconnaissance de toute cette aventure extraordinaire qu’on a vĂ©cue ensemble. Les bateaux semblent dĂ©jĂ  loin. On rencontre pas mal de monde au ParedĂłn, mĂȘme si ma team me suffit. Un Ă©lĂ©ment extĂ©rieur bien familier rentre dans cette petite bulle : Nico, un copain rencontrĂ© au Liban il y a trois ans avec qui j’étais en coloc à Beyrouth ! En train de tripper en AmĂ©rique Centrale, il arrive au bon moment au ParedĂłn pour qu’on se retrouve. Je lui prĂ©sente toute ma petite famille, c’est assez drĂŽle comme assemblage.

Puis tout s’accĂ©lĂšre. Roxane, une amie rencontrĂ©e au Rio, part bientĂŽt en France et veut bouger un peu au Salvador. Un mouvement de foule suit ; Jean, Arthur, Rox, Tristan, Nico et moi partons pour Santa Ana, une ville proche d’un volcan au nord du pays, Martin et Dijo se dirigent vers la cĂŽte salvadorienne pour tĂąter du point break, tandis que Jordi reste au ParedĂłn avec LoĂŻc, son vol retour n’étant que quelques jours aprĂšs. C’est la sĂ©paration, la fin. On trippe quelques jours ensemble Ă  Santa Ana, Ă  scooter, entre volcan, sources d’eau chaude et marchĂ© local, on se touristise. Vous pouvez voir les photos, je raconterai pas ça en dĂ©tail, ça serait chiant. Puis Jean et Rox partent, Tristan retourne au ParedĂłn, Arthur part pour son avion Ă  son tour ; il ne reste que Nico et moi.

C’est le dĂ©but d’une nouvelle Ă©tape encore une fois
 je dis au revoir, ça fait bizarre mais pas tant, puisque la fin se faisait sentir depuis dĂ©jĂ  longtemps. Ils me manqueront, ces personnages


Famille recomposée du Paredón