
02.04, 13h. On a quitté Guanaja ce matin.
Les côtes du continent sont apparues. Continent !! Ça fait longtemps que j’ai pas touché un continent, peut-être six mois en fait. Wahou. On distingue sommairement un bleu plus foncé que le ciel émergeant de l’horizon, découpé en reliefs montagneux avec pour chapeau des nuages terriens, à bâbord. A tribord les îles du petit archipel hondurien auquel appartient Guanaja.
On a plus de gaz et j’ai faim, on va se nourrir de semoule et légumes crus jusqu’à l’arrivée. [Heureusement que la nav durait moins de 48h. Ça m’a évité de penser à bouffer Martin]
17h. Goelhan avance bien, 6 nœuds de moyenne dans une mer plutôt plate, génois tangonné à tribord, grande voile à bâbord. Le vent nous pousse inexorablement vers l’ouest depuis la République Dominicaine. Mais cette époque touche à sa fin, et très vite les flots atlantiques mourront sur les côtes du continent et cette poussée folle des alizées s’étouffera. La fin. Le continent. On est en train de passer la pointe de l’île suivant Guanaja. La suivante sera à tribord, peut-être. Puis ça sera le Guatemala.
Comment sera mon voyage sur terre ? […]
Mes compagnons me manqueront. Jordi, mon catalan de cœur dont les yeux clairs et le charisme dreadeux soulignent sa droiture, son humanité et sa détermination pleine de rigueur. Dijo le kiffeur, petite boule de vie et d’enthousiasme, d’idées et de légèreté. Martin, d’une générosité et d’un humour que j’ai rarement croisés. Arthur, authentique boute-en-train casse-couille sur les bords mais je l’aime pour ça, qui recherche de l’amour autant qu’il en donne. L’autre Martin, le rationnel, l’esprit d’une logique différente que j’aime essayer de comprendre. Flo, Flo la présence réconfortante et le sourire, la profondeur et l’humilité. Jean, sa douceur, son attention, sa présence. Loïc, le tempéré, l’intéressant et curieux Loïc. Nemo le fougueux, l’artiste, le baroudeur de vie. Margot et sa facilité d’accès, son avenance. Laurent et ses histoires, son énergie de don, de complicité et d’abondance.
Je les aime tous, chacun différemment. Et si la vie tous ensemble inflige parfois beaucoup de questionnements, je me sens nue et vide à l’idée de leur absence.
1h30. L’impression d’être un bolide lancé à pleine balle sur l’autoroute. Pourtant quand je regarde les stats sur navionics on depasse pas les 5.5. Il doit y avoir un truc universel pour que les moyennes descendent en deux secondes et bien plus rapidement de comment elles montent. Connasses. En tous cas on se fait un peu dégommer par le vent. Je suis en quart et j’écris, mais je suis tellement fatiguée. Je pique du nez à fond mais je devrais pas dormir.
03/04 9h30. Une odeur spéciale ramenée par un vent du sud m’a frappée ce matin. Une odeur fraîche, une odeur terrienne. Bien sûr, c’est si on oublie l’odeur infernale de curry – un pot s’est renversé pendant le coup de vent de cette nuit.
16h50. Guatemala à bâbord. De plus en plus d’objets terrestres parsèment les vagues : des feuilles, des trucs… Des cargos aussi, beaucoup, et quelques petits îlets. Le vent a un peu repris après quelques heures de pétole ce matin. C’est fou comme la mer se transforme vite et retrouve un aspect formé en quelques heures de vent.
19h. Le soleil s’est couché de ses plus belles couleurs : son rouge se mélangeait avec un violet vers l’horizon et un orange flamboyant à sa tête. C’est peut-être le dernier coucher de soleil – j’ai failli tomber par dessus bord- que je vois en mer avant bien longtemps. Demain, on entrera en zone fluviale… dans les méandres du continent.
J’ai peur je crois, de ce changement. Appréhension de la fin, de la transition. Lâcher prise…
On est a 10 miles. On arrive.
20h. La Joia est derrière ! C’était donc bien elle, le trait de voiles blanches qu’on voyait minuscule sur l’horizon. Elle se fait reconnaître par sa familière lumière clignotante du haut du mât, avec la nuit.
C’est une sensation si agréable de switcher du short au pantalon et d’enfiler un pull pour se lover dans le cockpit quand le soir et sa fraîcheur s’installent. Finalement, j’aurai pu passer une autre nuit en mer. Et je suis bien dans ma cabane – cabine.
21h30. La lune éclaire notre mouillage qui se rapproche. Les cannes à pêche de Martin chantent en cœur, les cordes vocales animées par l’immiscion d’une douce brise tiède. Vent au près, incroyable. Ça fait si longtemps qu’on ne navigue plus qu’en vent arrière, le soleil couchant comme guide. Le souffle nous amène des effluves florales chaudes et rondes, les premières d’un continent.
22h30. L’ancre est mise, Gwaaatemala ! Le Mojo est arrivé avant nous de quelques heures. La Joia approche silencieusement. Je voudrais qu’on se retrouve sur l’un des bateaux mais tout le monde est assez KO… Tout pareil. La question est de savoir si on bouge à Livingston demain à la marée haute très tôt, ou plus tard…
On s’est arrêtés dans une petite baie pour y passer la nuit avant d’attaquer ce fameux chenal jusqu’à Livingston, ville porte d’entrée du Rio Dulce. Ce passage de la mer au fleuve est formé de courants particuliers qui remuent la vase, et donc qui le rendent très peu profond. Avec Goelhan, le plus petit de la flotille, on passe sans problème. La Alegria nous a précédé. Mais le Mojo doit attendre la marée haute et Jordi préfère faire pencher la Joia pour passer.

Puis c’est le pied à terre, sur le continent américain. On est arrivés. Mais pas encore à Rio Dulce, ville qui borde le fleuve du même nom, et où la Ram marina nous attend pour sortir les bateaux de l’eau.
On découvre Livingston – qui ne fait pas un énorme contraste avec la Rep Dom -, l’ambiance du Guate, l’Amérique Latine. Une fois les papiers faits (étape bien moins reloue qu’en Jamaïque), on fête notre arrivée, les garçons passent l’aprem au bar, moi je me balade un peu quand même histoire de, et on se familiarise avec les discothèques locales qui bordent la plage le soir de notre arrivée.

Le lendemain, on relève l’ancre pour un moment historique de notre communauté : l’entrée du Rio Dulce.
Le Rio



05/04 23h30. On est pas seulement sur le continent mais à l’intérieur, là où l’eau persiste. Rio dulce.
Notre entrée dans le fleuve était mythique. La flotille, 4 bateaux ayant quitté la mer pour la jungle comme décor, à se suivre dans les profondeurs du Rio. Petit coup de fouet d’émerveillement en passant les premiers coudes. Quel décor extraordinaire et quelle symbolique de finir par les terres. La boucle est bouclée…
On est au mouillage à l’intérieur du fleuve, qui nous a avalés pour nous traverser de son ambiance luxuriante et mystérieuse. Dans une petite baie, on s’est mis à couple avec la Alegría et le Mojo. Une grande communauté flottante avec 3x plus d’espace. On a aussitôt fait l’apéro sur le mojo. On est allés checker le bar sur pilotis d’a côté et on a trouvé des vieux pirates loups de mer qui zonent là depuis des années. Puis on a mangé ensemble une bouffe de Noël.



Finie l’eau salée, place à l’eau douce. Mes cheveux sont tout doux. Nager est beaucoup plus difficile sans le sel et le savon mousse…
Mais putain, c’est fini la mer. J’ai du mal à réaliser que c’est la fin de cette aventure, cette épopée jusqu’au Guatemala. On arrive au bout de ce chapitre, chapitre avec les copains depuis la Martinique en janvier, chapitre en voilier depuis octobre en France. Ça fait une sacrée charnière. À ouvrir une autre page. Je suis nostalgique déjà, la mer va me manquer tant ! On verra, peut-être l’oublierai-je vite. mais j’en doute.
Rio Dulce, ses grandes murailles de jungle, son eau paisible, ses cabanes qui lient la terre et l’eau. Émerveillement.

Le lendemain, on repart le matin pour parcourir les derniers miles qui nous séparent de notre marina. Avec Flo, on quitte notre mouillage en dinghy avant les autres pour explorer les côtes du fleuve, avant de rejoindre à la volée les bateaux qui continuent leur route. Puis pour ces derniers miles, on saute d’un bateau à l’autre, on se fait tirer en paddle, bref, des vraies gosses qui jouent de cette nav sur une eau plate.


07/04 1h11. Au mouillage à la Ram marina, à Rio Dulce. Hier à la même heure, on était en dernier mouillage camping sauvage. Aujourd’hui, l’ancre est mise à la destination finale, là où les bateaux vont quitter leur élément symbiotique pour quelques temps, et l’aventure avec. En pause. Pour eux. Moi, c’est plus une fin qu’une pause.
Ici, les voiliers sont partout, une sorte de Marin du Guatemala en plus petit. Autant de bateaux que d’histoires… L’entrée dans la marina avait un goût d’amertume indissociable de la fin d’un épisode. Cet après midi, j’étais hagarde. On errait dans la ville, et je me sentais complètement aliénée par la folle agitation foisonnante qui nous pressait de tout son poids. Quel contraste par rapport à nos stops récents. La perspective de la fin m’a rendue pensive et boudeuse. Les plans continuent avec les membres de la flottille, mais bientôt ils seront plus là et commencera quelque chose de neuf.
D’ailleurs putain, j’ai rencontré Justine, celle qui m’a planté la graine de la transat en bateau stop il y a trois ans, quand j’étais sur le point de partir au Liban. Quelle boucle ! Je rencontre celle par qui tout a commencé, à la fin de mon périple de quasi 6 mois à la voile. La vie est bien faite, de m’avoir amenée à elle. Six mois eh ! J’ai quitté la France mi-octobre. Des miles et des aventures.
Ces aventures aquatiques se terminent donc petit à petit… Je réfléchis en toile de fond à la suite de mes aventures, quand tout le monde sera parti. En attendant, nos quatre navires se font sortir un par un de l’eau, pendant qu’on se familiarise avec le chantier de la Ram marina. Goelhan est l’un des derniers, et pendant que Dijo commence à refaire une beauté rouge à la Alegria avec l’aide de Martin et Flo, que Jordi et Jean commencent à poncer l’antifouling* de la coque jusqu’à la fibre pour traiter l’osmose** de la Joia, on part pour naviguer deux petits jours sur le lac Izabal qui suit le Rio avec Martin et le Mojo.



*une peinture méga toxique dont les coques sont recouvertes pour chasser les algues et coquillages, qui abiment et ralentissent le bateau.
**une espèce de maladie de bateau en fibre de verre, quand l’eau s’infiltre et creuse de l’intérieur. A peu près.
Le chantier
Puis c’est le tour de Goelhan et du Mojo. Ça y est, on est tous à terre. Le gris des graviers remplace le bleu de l’horizon, on est à 4 mètres du sol, on ne bouge plus. On range, on attrape les ponceuses et on commence à virer l’antifouling du Goelhan avec Martin. Je précise qu’on doit l’enlever pour le renouveler assez régulièrement, et laisser les bateaux aussi longtemps en hibernation – les garçons reviennent vers octobre au Guate après leurs saisons respectives en Europe – est une bonne occasion de tout remettre au propre.



Il fait tellement chaud qu’on est obligés de boire des trucs frais en permanence. Soda, on bosse, on ponce beaucoup, on plie les voiles, bière fraîche, on sort les chaines de mouillage, on nettoie tout, on fait quelques fêtes dont l’anniversaire de Jean qui célèbre le passage à la 32e année de sa vie, on fait des barbecues le soir avec nos nouveaux copains copines.
11/04. Le chantier. J’adore les chantiers. Tout le monde s’affaire, est sale, fait des pauses, reprend, boit des bières, prend des astuces, emprunte des outils, continue. J’apprends ce qu’est l’osmose, l’époxy, plein de trucs. On se lève, se croise, passe d’un bateau a l’autre ou d’un plan a l’autre. J’ai pas envie que ça se termine. J’adore ça. Mais Laurent part bientôt, puis Loïc, puis ça sera le surf. Alors j’essaierai de rendre cette semaine éternelle.




C’est donc ainsi qu’on s’insère dans cette dynamique active du chantier (qui me rappelle d’ailleurs beaucoup le chantier Offre Joie auquel j’avais participé à Beyrouth) où tout le monde se lève tôt avant les grosses chaleurs de midi pour avancer sur son bateau. Je découvre l’amont de la navigation : le travail. A chaque bateau que j’ai foulé, je n’ai jamais que profité de son effectivité : soit il était déjà à l’eau, soit il se faisait mettre à l’eau, comme c’était le cas pour Adishatz, mais j’arrivais après tout le travail. C’était une vision incomplète que j’avais du monde de la voile ; on ne se rend compte que lorsqu’on reste dans un tel chantier à quel point un voilier, c’est du taff. Là-bas, on rencontre beaucoup de monde qui bosse depuis des années sur leur bateau ! D’ailleurs, on a affaire à beaucoup de jeunes, dont Justine, qui m’impressionnent et m’inspirent par leur expertise et leur projet. Trop un kiff de voir autant de voileux de la vingtaine, qui s’activent pour aller au bout de leurs idées !

14/07. Petit coup nostalgie en regardant Goelhan depuis la proue ce soir, comme j’aimais le faire en nav quand j’allais à l’avant. Voir le bateau en entier de devant, ça changeait de la vision qu’on en a toujours depuis le cockpit. Mais là… Pas besoin de s’accrocher aux haubans ni à tout ce qui traine, j’étais là, debout sur le bateau parfaitement immobile, contemplant les néons au lieu des étoiles, le gris du chantier gommant la mer. Fini, tout ça. Et ça me manque déjà. Et si je plaquais tout et je faisais une transat retour ??? J’aurais un été en France… Mais bon. Je suis là et il me manque tout un pan du voyage. J’ai encore à vivre ce qui lui donnera de la perspective et du sens, au voyage et à ce que j’en ai fait pour l’instant.
La nostalgie de la mer reste en toile de fond mais l’activité la tempère, et surtout, je suis encore avec les personnes qui ont peuplé le monde qu’on s’est créé pendant ces quatre mois. Notre flottille aquatique devient une tribu terrestre. Là où nos bateaux sont sortis, c’est assez vide. Bien sûr, on met rapidement un bon bordel et on squatte tout l’espace en se créant un coin cuisine, un coin sieste, un coin film… Dijo fait pendre sa grande voile déchirée de la Alegria, on met un vidéoprojecteur, les matelas des bateaux par terre, et on se fait des soirées films en rejoignant les bras de Morphée les uns contre les autres.

La raison de toute cette effervescence assez dynamique, c’est que les garçons veulent rapidement quitter le Rio pour aller surfer sur la côte Pacifique du Guate avant de rentrer en Europe. La perspective du surf trip a de quoi booster les accros des vagues. Les départs se font progressivement, les au-revoirs à certains, les à dans quelques jours pour d’autres. Je décide de rester pour régler quelques trucs, écrire tranquillement sans ce bourdonnement du groupe qui laisse moins de place au calme.
Et puis… L’aventure m’appelle. Je suis au Guatemala, en Amérique centrale, et je n’en connais encore rien ; je suis dans ma famille confortable de copains francophones, mais j’ai bien envie de partir au pouce expérimenter le pays.
C’est là que le personnage principal de mon bouquin re pop-up ! Vous l’aurez deviné j’espère… Barbassss !! Les chiens ne sont pas acceptés dans les bus au Guatemala et Jordi cherche une solution pour l’embarquer au Paredón, le spot de surf choisi sur la côte à l’extrême opposé du Rio Dulce. On fait le deal parfait : el catalan prendra le bus en embarquant « ma » planche attitrée, et moi je prendrai mon pouce avec Barbas comme compagnon de stop. Enchantée à l’idée de reprendre la route et qui plus est, avec un perrito, je prépare mon départ.
Je tiens à préciser que Martin et Flo achètent un putain de bateau en arrivant au Rio !! Ils avaient l’idée de le faire dans quelques années, et avoir navigué sur la Alegria les entraine à finalement tout plaquer et acquérir un très beau voilier de 42 pieds tout équipé. Ils filent en Suisse pour faire des sous cet été pour payer la merveille… Ils seront de l’aventure quand les garçons reviendront bosser sur leurs bateaux cet automne.
18/04. Et voilà, je suis la dernière de la flotille. Ils ont quitté un à un, Nemo et Margot, Laurent, Dijo et Martin, Jordi et Jean, Flo et Martin, Loïc aujourd’hui [avec sa moto fraichement acquise : après le bateau-stop, il veut traverser l’Amérique Latine du nord au sud sur deux roues !!]. Et moi, seule avec 4 bateaux fantômes, je suis encore au chantier.
Normalement, je reviendrai au Rio Dulce un peu plus tard, pour aider Justine sur tous ses projets de rénovation de voiliers, que vous pouvez checker sur sa chaine youtube. C’est un sacré bout de meuf avec une bonne déter et je décide de lui donner un coup de main je sais pas trop quand avant de rentrer au bercail !
Mais là, c’est mon tour. Je dis au revoir aux nouveaux amis du chantier – beaucoup de francophones d’ailleurs – et je fais mon sac pour prendre la route terrestre pour la première fois depuis longtemps.

C’est parti, je tends le pouce un beau matin. Des Guatémaltèques bien aimables, deux ou trois camions, un chapeau trouvé au chantier oublié dans l’un deux, un don de casquette et un stop pour manger avec Barbas plus tard, j’arrive à la capitale du pays. Il est 18h, je n’aurai pas le temps d’arriver au Paredón avant la nuit, alors je décide de fractionner mon trajet. Par contre, les grosses villes, très peu pour moi. Je regarde une carte et je vois que je suis proche d’Antigua, une ville bordée de volcans dont j’ai entendu parler. Allez Barbas, on dormira là-bas ce soir. Je me retrouve à l’heure de pointe dans Guate Ciudad à slalomer entre les voitures sur une moto, avec mon conducteur, un Barbas, mon gros backpack et moi. Ça me fait bien marrer. Je suis heureuse de retrouver le stop. Quand ça fait trop longtemps que j’en ai pas fait, je sens le besoin de ma dose de provoc envers la vie et d’accueil de l’imprévu.
Acatenango

20/04. Je suis à Antigua, loin de Rio dulce. Je me réveille dans un hostel un peu en bug. Déjà il fait froid, sensation oubliée, ensuite je suis dans un vrai lit.
Hier soir j’ai un peu réalisé. C’est la première fois que je dors en hostel seule, alors que c’est la normale pour les traveleurs de mon genre. Ça marque un avant goût de la rupture de quand les garçons partiront. Je suis plus sur les mers, sur les bateaux. Les gens de bateaux ont quelque chose en plus. L’aventure, la vraie. J’ai compris ça aussi en discutant avec une fille de l’hostel. Les voileux ont vraiment parcouru, improvisé, rencontré toute sorte de situation improbables ou urgentes.
Bref ça me manque, déjà. Alors aujourd’hui je dois me décider, soit je rejoins tout le monde à el Paredón ce soir, soit je me chauffe à gravir un volcan pendant deux jours.
En effet, l’ascension du volcan Acatenango est l’attraction du coin. A presque 4000 m, il offre une vue imprenable sur le Fuego, un autre volcan qui rentre en éruption toutes les cinq à quinze minutes. Des hordes de touristes et de jeunes backpackers le gravissent chaque jour, attirés par la vision de la lave ; le spectacle de ce phénomène naturel en fait une étape incontournable du Guatemala pour beaucoup. Pour faire l’excursion, il faut booker une place par une agence – il fait suuuuper froid en haut, c’est pas trop envisageable de le faire de son côté à moins d’être sacrément équipée. Il faut donc passer par des guides qui emmènent chaque jour des groupes d’une vingtaine de voyageur.ses sur les pentes du volcan ! Là-haut, ils ont des espèces de campements bien foutus pour accueillir tout ce peuple.
Vous l’aurez compris, je me chauffe sur un coup de tête à aller voir ce qui se passe sur l’Acatenango. Je rejoindrai les copains dans quelques jours, j’ai estimé que le fomo n’était vraiment pas une bonne raison de retrouver le groupe direct. J’appelle donc mon copain Tristan (coucou !) qui était au Guate il y a un an, il me donne le contact de la compagnie avec laquelle je monterai le lendemain.
Barbas a l’air pas super bien en point ces jours-ci. J’imagine qu’il est triste de l’absence de Jordi, mais je sais pas bien quoi faire – je rappelle que je sais pas m’occuper d’animaux haha. Sauf que Barbas est un chien spécial, un chien un peu humain, au comportement bien différent de ses congénères collants qui demandent trop d’attention. Je l’aime, ce Barbas indépendant qui me fout la paix, on s’entend bien. Je me dis qu’il sera content de cette bonne ballade et je l’embarque en lui achetant trois tonnes de bouffe pour le booster un peu. Ma manière de résoudre le problème. Au final, dès les cinq premières minutes de la montée, le perro normalement tout guilleret à montrer le chemin, se retrouve complètement à la ramasse derrière. Il a l’air épuisé, aucun moyen de le faire bouger, il se pose sur le chemin et s’arrête. Merde ! Impossible de le porter jusqu’en haut, c’est sûr. Un guide descendant me propose de le garder jusqu’au lendemain, ce que j’accepte avec joie. J’aurais quand même bien kiffé être accompagnée de lui !
Je suis un peu toute bousculée de me retrouver dans cet environnement tout touristique mais franchement après-coup, ça valait vraiment le coup. On monte sévère mais pas trop longtemps, puis à la fin de l’ascension, on se retrouve nez-à-nez avec le fameux Fuego, crachant régulièrement sa fumée boursouflée avec un bruit de souffle impressionnant.



Le soir, la brume s’installe et on est tous déçus de ne pas pouvoir voir la lave jaillir de son cratère. Je mets un réveil dans la nuit pour checker son état… J’ai bien fait. J’ouvre la porte de ma cabane la tête dans le fessier et ce que je vois me réveille d’un coup, je lâche un grand « putain », j’attrape mon Fuji pour faire des poses longues avant de m’empresser de réveiller mes compères de cabane. Il faut qu’ils voient ça.



Le souffle est ténébreux, la lave jaillit majestueusement et retombe en coulée sur les flancs du Fuego, tout ce spectacle surplombé d’une voûte céleste digne de celles observées sur les mers, les nuits sans lune. Magique.
Quelques heures plus tard, on se lève encore dans l’obscurité nocturne pour marcher et admirer le soleil se lever du sommet de l’Acatenango.



22/04. Ce matin je voyais le lever de soleil sur un volcan en éruption, par -10°. Ce midi je buvais une bière sur une terrasse d’Antigua dans un bar de gringos avec des backpackeurs qui voyagent pas comme moi sur lesquels j’avais plein de préjugés mais au final des gens très cools, de mon groupe du volcan. Cet aprem je me sentais comme la reine du monde dans la remorque d’un pickup au milieu de bouteilles de gaz avec Barbas, stop pour quitter Antigua. Vingt minutes plus tard, je me sens comme une bonne merde sous la pluie, déposée sur l’autoroute, à essayer d’arrêter des voitures. Puis je me retrouve à l’arrière d’un pick-up sous une saucée céleste à parler avec un Guatémaltèque tout percutant. Puis je stoppe en détresse dans un petit bled et une famille fait une heure de route en plus pour m’amener… C’est les montagnes russes. J’ai dormi 4h à peine, je me suis réveillée à minuit pour admirer le ciel tout dégagé laissant apparaître des milliers d’étoiles et le majestueux Fuego en éruption, à me cailler le cul à le prendre en photo. La vie est belle et intense mais j’ai parfois du mal à la suivre. Et maintenant je rejoins les gars que j’ai pas vus depuis une semaine, j’ai l’impression que ça fait des mois. J’ai tellement bien fait de monter ce volcan. Ces gens avec qui j’ai monté m’ont permis de faire cette transition, m’ont ouvert la porte que je me refusais à ouvrir de mon voyage terrestre. Merci à eux et elles.
Je sais pas si je me refusais à ouvrir cette porte, comme je l’ai écrit, mais ce qui est sûr c’est que j’avais bien du mal à me projeter sur terre, à relancer mon backpack sur le dos et partir. Cette excursion à l’Acatenango m’offre un avant-goût de mes aventures hors de la flottille. Je devais m’approprier cette nouvelle dimension de mon voyage, en solitaire ; tout était possible, et encore plus lorsque les copains partiraient. Je découvre aussi sur ce volcan, le monde des backpackeurs d’Amérique centrale, qui souvent descendent ou remontent cette partie du continent en quelques mois selon des itinéraires assez courants. Je rencontrerai par la suite de mon voyage énormément de voyageurs de ce genre. Des belles rencontres, souvent éphémères, qui se font beaucoup dans les hostels, que j’essaie quand même d’éviter. Beaucoup de filles à peu près de mon âge ou un peu plus vieilles aussi, qui se font leur premier voyage en solo.
Mais ça, c’est pour d’autres épisodes. Pour l’instant, je me dirige vers le Paredón pour cette dernière semaine avec mes pirates chéris.

El Paredón
Le Paredón, petit village de paradis sur le Pacifique. C’est un endroit encore authentique – je parie pas sur ça dans 10 ans – mais qui attire les touristes surfers du Guate pour ses vagues et sa longue plage. J’aurai l’occasion de revenir sur la description de cet endroit magique puisque ma route y reviendra et me le fera découvrir plus en profondeur. Pour l’instant, je débarque dans la maison au toit typique de palmes tissées que mes copains ont louée pour une semaine.
Là-bas, on surfe, on fait la fête, on profite de nos derniers instants tous ensemble. La plupart chope une maladie qu’on appellera la mangolite, puisqu’elle provoque une bonne diarrhée qu’on soupçonne venir de la quantité énorme de mangues qu’on mange tous les jours, la maison étant située devant une dizaine d’arbres. Finalement, ça s’avère plutôt être un virus que j’attraperai aussi par la suite et qui met bien KO.




Bref, la fin est intense et je suis dans la reconnaissance de toute cette aventure extraordinaire qu’on a vécue ensemble. Les bateaux semblent déjà loin. On rencontre pas mal de monde au Paredón, même si ma team me suffit. Un élément extérieur bien familier rentre dans cette petite bulle : Nico, un copain rencontré au Liban il y a trois ans avec qui j’étais en coloc à Beyrouth ! En train de tripper en Amérique Centrale, il arrive au bon moment au Paredón pour qu’on se retrouve. Je lui présente toute ma petite famille, c’est assez drôle comme assemblage.
Puis tout s’accélère. Roxane, une amie rencontrée au Rio, part bientôt en France et veut bouger un peu au Salvador. Un mouvement de foule suit ; Jean, Arthur, Rox, Tristan, Nico et moi partons pour Santa Ana, une ville proche d’un volcan au nord du pays, Martin et Dijo se dirigent vers la côte salvadorienne pour tâter du point break, tandis que Jordi reste au Paredón avec Loïc, son vol retour n’étant que quelques jours après. C’est la séparation, la fin. On trippe quelques jours ensemble à Santa Ana, à scooter, entre volcan, sources d’eau chaude et marché local, on se touristise. Vous pouvez voir les photos, je raconterai pas ça en détail, ça serait chiant. Puis Jean et Rox partent, Tristan retourne au Paredón, Arthur part pour son avion à son tour ; il ne reste que Nico et moi.









C’est le début d’une nouvelle étape encore une fois… je dis au revoir, ça fait bizarre mais pas tant, puisque la fin se faisait sentir depuis déjà longtemps. Ils me manqueront, ces personnages…

Je déteste quand c’est terminé.. pendant AU MOINS 3’ l’atterrissage est rude.. mais qu’est ce que je fous dans la Drôme🙄🙄🙄 merci ma chérie.. je t’embrasse fort
« La vie est belle et intense mais j’ai parfois du mal à la suivre ». ….. Tu sembles quand même y arriver pas mal , quel que soit l’endroit et les conditions ! Génial! Super Mahaut